Sites pornographiques : l’obligation de vérification de l’âge des internautes se concrétise

Sites pornographiques : l’obligation de vérification de l’âge des internautes se concrétise

Ce qu’il faut retenir


L’obligation de vérification de l’âge des internautes souhaitant consulter des sites pornographiques s’étend désormais aux sites établis en France et à l’international, ainsi qu’aux sites européens désignés par l’arrêté du 26 février 2025.


Après une brève suspension, l’arrêté du 26 février 2025, qui étend l’obligation de vérification de l’âge des internautes à des sites pornographiques européens, a été rétabli par le Conseil d’Etat le 15 juillet 2025. L’obligation de vérification de l’âge des internautes souhaitant consulter des sites pornographiques s’étend désormais aux sites établis en France et à l’international, ainsi qu’aux sites européens désignés par cet arrêté.

L’objet du présent article est de rappeler les contours de l’obligation de vérification de l’âge des internautes à la charge des éditeurs de sites pornographiques, les points essentiels de l’arrêt du Conseil d’Etat rétablissant l’arrêté du 26 février 2025 et la situation dans le reste de l’Europe en matière de vérification de l’âge des internautes.


1. Les contours de l’obligation de vérification de l’âge des internautes à la charge des éditeurs de sites pornographiques

Le législateur, le gouvernement et les autorités (CNIL et ARCOM) s’attèlent depuis de nombreuses années au problème de la protection des mineurs contre les contenus à caractère pornographique.

En France, suite à plusieurs initiatives non abouties, principalement limitées par l’absence de solutions techniques efficaces, la loi Sécurité et Régulation de l’Espace Numérique (“loi SREN”) du 21 mai 2024 a enfin posé les règles relatives à la vérification de l’âge des internautes. (1) Les exigences techniques pour la mise en place de cette obligation ont par la suite été définies dans le Référentiel publié par l’ARCOM le 9 octobre 2024. (2)

Les dispositions de la loi SREN s’appliquent aux éditeurs et plateformes de partage de contenus pornographiques établis en France et hors de l’Union européenne. Pour les sites établis dans un autre Etat-membre de l’UE, ces dispositions s’appliquent sous réserve que les éditeurs de sites et les plateformes remplissent les conditions mentionnées à l’article 3 par.4 de la directive e-commerce. (3)

Les exigences relatives à cette obligation de vérification de l’âge et les sanctions sont décrites dans notre précédent article, “Loi SREN : renforcer la protection des mineurs contre les contenus pornographiques”.

Pour compléter le périmètre des sites et plateformes visés par l’application de cette obligation de vérification, le ministère de la culture et le ministère chargé de l’intelligence artificielle et du numérique ont pris un arrêté le 26 février 2025, désignant 17 sites et plateformes de partage de vidéos à caractère pornographique établis dans l’Union européenne. (4)

Le 6 mars 2025, l’ARCOM a annoncé qu’aucun des sites qu’elle avait contrôlés, établis en France ou en dehors de l’Union européenne, n’avait mis en oeuvre un système de vérification de l’âge des internautes. Après leur avoir adressé une lettre d’observation les enjoignant de se mettre en conformité, plusieurs sites ont fait l’objet de mises de demeure. 

Ce même jour, l’ARCOM notifiait à la société Cloudflare l’obligation de bloquer l’accès au site pornographique canadien Camschat. Cette décision, qui a fait l’objet d’un recours en annulation par la société Cloudflare, a été confirmée par le tribunal administratif de Paris, dans sa décision du 15 avril 2025. (5)

Par ailleurs, pour contester la mise en place de cette obligation de vérification, la société chypriote Aylo Freesites Ltd, éditrice des sites Youporn, RedTube et Pornhub, visés par l’arrêté du 26 février 2025, a décidé de bloquer leur diffusion sur le territoire français, début juin 2025.


2. Péripéties autour de l’arrêté du 26 février 2025 : les points essentiels de l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 juillet 2025

Hammy Media Ltd, une autre société chypriote, qui édite le site xHamster, était visée par l’arrêté du 26 février 2025. Souhaitant contester l’application des mesures de vérification, elle a décidé de poursuivre le ministère de la Culture devant les tribunaux pour demander la suspension de cet arrêté.

Dans une ordonnance rendue le 16 juin 2025, le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de l’arrêté du 26 février 2025. La ministre de la Culture et la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique ont alors saisi le Conseil d’Etat pour faire annuler cette ordonnance.

Dans son arrêt du 15 juillet 2025, le Conseil d’Etat a rétabli l’arrêté du 26 février 2025. (6) Les points essentiels à retenir sont les suivants :

    - La société Hammy Media ne démontre pas que la mise en oeuvre de l’arrêté contesté porterait une atteinte grave à sa situation économique ;

    - l’arrêté n’interdit pas la diffusion de contenus pornographiques auprès des personnes majeures. Il impose seulement aux sociétés visées de mettre en place des systèmes de vérification de l’âge comme prévu par la loi. Par conséquent, cet arrêté ne porte pas atteinte à la liberté d’expression et à la protection de la vie privée ; 

    - la mise en place de systèmes de vérification de l’âge est susceptible de contribuer à atteindre l’objectif de protection des mineurs contre l’exposition à des contenus à caractère pornographique.

Le rétablissement de l’arrêté du 26 février 2025 complète pour le moment le champ d’application des dispositions de la loi SREN pour protéger les mineurs contre les contenus pornographiques en ligne. L’application de l’obligation de vérification de l’âge à de nouveaux sites établis dans l’Union européenne sera cependant soumise à la publication de nouveaux arrêtés.

Les sites et plateformes qui refusent de se mettre en conformité risquent d’être bloqués sur le territoire national et d’être soumis aux sanctions prévues par la loi. Ainsi, le 1er août 2025, l’ARCOM a mis en demeure cinq sites établis dans l’Union européenne qui n’avaient pas mis en place de système de vérification de l’âge. Fin août, l’ARCOM constatait que les sites concernés s’étaient mis en conformité. (7)

Même si le dispositif de vérification de l’âge ne concerne que les internautes situés en France, ceux-ci peuvent facilement contourner cette procédure en utilisant un VPN. Toutefois, la question de la protection des mineurs contre les contenus à caractère pornographique ne concerne pas que la France. Des initiatives sont également en cours au niveau de l’Union européenne et au Royaume-Uni.


3. La situation dans le reste de l’Europe


Le 14 juillet 2025, la Commission de Bruxelles a publié des lignes directrices sur la protection des mineurs en ligne. Ces lignes directrices définissent les mesures devant être mises en place par les plateformes (tels que les réseaux sociaux ou les plateformes de partage de vidéos) pour se conformer au règlement européen sur les services numériques (DSA). (8)

Les lignes directrices s’appliquent à tous les sites et plateformes en ligne accessibles aux mineurs, à l’exception des micro et des petites entreprises. (9)

Concernant l’accès aux contenus pour adultes, comprenant non seulement les contenus pornographiques mais également les jeux de hasard, les lignes directrices recommandent la mise en place de méthodes de vérification de l’âge, sous réserve qu’elles soient “précises, fiables, robustes, non intrusives et non discriminatoires”. 

Toutefois, le respect des lignes directrices est volontaire et ne garantit pas la conformité des sites concernés.

Le 14 juillet 2025, la Commission annonçait que cinq pays européens ont choisi d’expérimenter une application permettant de vérifier l’âge des internautes : la France, le Danemark, la Grèce, l’Italie et l’Espagne.

Par ailleurs, le Royaume-Uni s’est engagé dans des initiatives de protection des mineurs contre les contenus réservés aux adultes depuis une vingtaine d’années. 

La loi sur la sécurité en ligne de 2023 (Online Safety Act) prévoit des obligations similaires à celles figurant dans la loi SREN. Les éditeurs de sites et plateformes fournissant des contenus à caractère pornographique sont tenus de mettre en place un “système hautement efficace de vérification de l’âge” (Highly Effective Age Assurance - HEAA) des internautes. Les sites et plateformes doivent informer par écrit sur les moyens mis en oeuvre pour vérifier et/ou évaluer l’âge des utilisateurs. L’OFCOM, équivalent britannique de l’ARCOM, est l’autorité en charge du contrôle de l’application de ces dispositions par les sociétés concernées.

En janvier 2025, l’OFCOM a rappelé aux éditeurs de sites de contenus pornographiques leurs obligations en matière de vérification de l’âge des internautes, en application de la partie 5 de la loi. Selon les constatations de l’OFCOM, début mars 2025, de nombreux sites s’étaient mis en conformité en mettant en place un système de vérification de l’âge.

Le 27 mars 2025, l’OFCOM a sanctionné la société Fenix International Ltd, éditrice du site OnlyFans, à hauteur de 1,05 millions de livres (environ 1,2 millions d’euros) pour lui avoir communiqué des informations erronées sur les moyens d’évaluation de l’âge mis en oeuvre. Suite à la demande d’informations de l’OFCOM, la société Fenix avait indiqué avoir mis en oeuvre un seuil d’évaluation faciale de l’âge fixé à 23 ans, en-deçà duquel les utilisateurs doivent fournir un justificatif supplémentaire pour confirmer qu’ils ont plus de 18 ans et se connecter au site OnlyFans. Or, le seuil était en réalité fixé à 20 ans, ce qui augmentait la marge d’erreur d’évaluation de l’âge.

Même si cette affaire a été traitée en application de la loi britannique de 2003 relative aux communications, aujourd’hui abrogée et remplacée par la loi sur la sécurité en ligne de 2023, la décision de l’OFCOM en application de la loi de 2023 aurait été similaire.


    Comme rappelé par le Conseil d’Etat dans sa décision du 15 juillet 2025, la diffusion de contenus pornographiques en ligne n’est pas interdit. Toutefois, l’accès à ces contenus doit être régulé dans un but de protection des mineurs. 

La réglementation se met en place en France et dans plusieurs autres pays. Il existe désormais plusieurs solutions de vérification et/ou d’évaluation de l’âge disponibles sur le marché, permettant de bloquer l’accès des mineurs à ces contenus, tout en respectant la vie privée des internautes.

Les sites payants se mettent en conformité, alors que de nombreux sites gratuits refusent encore de mettre en place des solutions de vérification de l’âge. Espérons que les sanctions appliquées en cas de non-conformité auront un effet dissuasif sur un certain nombre d’entre eux.


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(1) Loi n°2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique - et voir plus particulièrement les articles 1 à 6 modifiant la LCEN

(2) Référentiel technique sur la vérification de l’âge pour la protection des mineurs contre la pornographie en ligne

(3) Directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 (“Directive sur le commerce électronique”)

(4) Arrêté du 26 février 2025 désignant les services de communication au public en ligne et les services de plateforme de partage de vidéos établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne soumis aux articles 10 et 10-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

(5) TA Paris, 15 avril 2025, n°2506972/5-4

(6) CE, 15 juillet 2025, requête n°505472

(7) Protection des mineurs en ligne : l’Arcom constate la mise en place de dispositifs de vérification de l’âge par six nouveaux sites pornographiques

(8) Lignes directrices sur la protection des mineurs en ligne (en anglais) https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/commission-publishes-guidelines-protection-minors

(9) Selon le DSA, une micro-entreprise compte moins de 10 salariés et réalise un CA annuel ou son bilan total annuel ne dépasse pas 2 millions d’euros. Une petite entreprise compte moins de 50 salariés et réalise un CA annuel ou son bilan total annuel ne dépasse pas 10 millions d’euros.

Bénédicte DELEPORTE
Avocat

Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com

Août 2025