Sites internet : l’absence de mentions légales est un délit pénal
Ce qu’il faut retenir
Toute personne, physique ou morale, qui édite un site web doit publier des mentions légales conformes à la loi. Le défaut de mentions légales est un délit pénal.
Toute personne, physique ou morale, qui édite un site internet est tenue de publier des mentions légales, tel que prévu à la LCEN, indiquant notamment le nom du directeur de la publication.
Cependant, de nombreux sites ne sont toujours pas conformes : soit ils ne comportent pas de mentions légales, soit elles sont fausses ou incomplètes. Or, le directeur de la publication, responsable du contenu du site, doit pouvoir être contacté facilement pour l’exercice du droit de réponse, le signalement de contenus illicites ou pour demander la correction ou la suppression de contenus diffamatoires par exemple.
L’absence de ces mentions, leur inexactitude ou leur caractère incomplet constituent un délit pénal, susceptible d’engager la responsabilité de l’éditeur du site.
Nous rappelons ci-après la notion de mentions légales, la jurisprudence en la matière et les moyens d’identifier le directeur de la publication en cas d’absence de mentions légales sur un site web.
1. Les mentions légales : une obligation pour tous les éditeurs de sites internet
1.1 Pourquoi des mentions légales ?
L’édition d’un site internet n’est pas un acte neutre. Tout contenu éditorial, qu’il soit publié par l’exploitant du site ou par un tiers, est générateur de droits et d’obligations. En cas d’atteinte à ces droits (contrefaçon, diffamation, atteinte à la vie privée, violation de la protection des données personnelles, etc.) la responsabilité de l’éditeur peut être engagée pénalement.
Les personnes visées ou lésées par une publication doivent pouvoir identifier rapidement un interlocuteur responsable (le directeur de la publication ou le représentant légal), notamment pour exercer un droit de réponse, signaler un contenu illicite ou demander le retrait de contenus litigieux. (1)
C’est dans cette perspective que la loi impose la transparence de l’éditeur, par la publication de mentions légales visibles et complètes sur le site.
1.2 Quelles informations doivent figurer dans les mentions légales ?
La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) impose à tout éditeur d’un service de communication au public en ligne la mise à disposition d’un ensemble d’informations permettant son identification. Ces informations doivent être facilement accessibles, généralement en pied de page du site.
Les mentions obligatoires varient selon le statut juridique de l’éditeur : (2)
- Si l’éditeur du site web est une personne physique : ses nom et prénom, adresse et numéro de téléphone ainsi que, le cas échéant, son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au registre national des entreprises (RNE) ;
- Si l’éditeur du site web est une personne morale : sa dénomination ou raison sociale, l’adresse du siège social et le numéro de téléphone, son numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au registre national des entreprises (RNE) et son capital social. Il est également conseillé de compléter ces informations avec le numéro de TVA intracommunautaire et une adresse email de contact ;
- Pour les personnes physiques et morales : le nom du directeur (ou du codirecteur) de la publication, et pour les sites journalistiques, le nom du responsable de la rédaction, les coordonnées de l’hébergeur (dénomination ou raison sociale, adresse et numéro de téléphone)
Les personnes physiques éditant un site à titre non professionnel peuvent préserver leur anonymat en ne rendant publiques que les coordonnées de leur hébergeur, sous réserve d’avoir transmis leurs informations d’identification à ce dernier, telles que prévues ci-dessus.
Pour les activités réglementées ou soumises à autorisation, le nom et l’adresse de l’autorité, de l'ordre ou de l’organisme professionnel compétent, ainsi que les éléments permettant de vérifier l’autorisation d’exercer (n° d’inscription, licence, référence aux règles professionnelles applicables) doivent également être indiqués.
1.3 Quelles sanctions en cas de non-conformité ?
Le non-respect de l’obligation de publier des mentions légales, ou la diffusion de mentions erronées ou mensongères, est sanctionné pénalement :
- Personnes physiques : jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende ;
- Personnes morales : jusqu’à 375.000 euros d’amende, à laquelle peuvent s’ajouter les peines complémentaires prévues à l’article 131-39 du code pénal (interdiction d’exercer, dissolution de l’entreprise, etc.). (3)
2. La jurisprudence sur le défaut de mentions légales
Bien que l’obligation de publier des mentions légales existe depuis l’entrée en vigueur de la LCEN en juin 2004, les décisions judiciaires sanctionnant l’absence ou l’inexactitude de ces mentions restent relativement rares. Plusieurs affaires illustrent néanmoins la portée pénale de cette obligation.
2.1 Première condamnation (2014)
Dans une affaire jugée le 11 juillet 2014, une société victime d’un commentaire dénigrant publié sur le site notetonentreprise.com avait obtenu une ordonnance judiciaire pour faire supprimer le contenu et identifier l’auteur. Mais aucune mention légale n’était publiée sur le site, rendant l’ordonnance inapplicable.
Une plainte pénale a donc été déposée pour site non conforme. Une enquête a été ordonnée, qui a permis d’identifier les éditeurs du site. Les prévenus ont été reconnus coupables du délit prévu par la LCEN et condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à une amende pour un montant total de 13.500€. (4)
2.2 Mentions falsifiées (2017)
Le 14 mars 2017, l’éditeur du site Egalité et Conciliation a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une amende pour un montant de 5.000€ et trois mois d’emprisonnement avec sursis.
La sévérité de la condamnation tient au fait que cette personne était récidiviste en matière d’infractions de presse et que les mentions légales désignaient des personnes sans aucun lien avec le site, et condamnées à de la réclusion criminelle. (5)
2.3 Défaut de codirecteur de la publication (2019)
Dans une affaire de diffamation jugée le 10 juillet 2019, un ancien journaliste n’a pu agir immédiatement contre un site politique, faute de mentions légales. Lorsque celles-ci ont finalement été mises en ligne, le directeur de la publication désigné, un homme politique, jouissait de l’immunité parlementaire.
Le tribunal a rappelé que selon l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982, lorsque le directeur de la publication jouit de l'immunité parlementaire, il désigne un codirecteur de la publication ne bénéficiant pas de cette immunité.
Le tribunal de grande instance de Paris a retenu la faute de l’éditeur du site incriminé. (6)
2.4 Défaut de mentions légales et droit de réponse non respecté (2024)
Plus récemment, le 29 novembre 2024, le site Tourmag.com a été condamné pour non-respect des mentions légales et violation des règles du droit de réponse.
Faute de mentions légales, la société plaignante n’a pu adresser sa demande de publication du droit de réponse qu’à l’un des co-gérants. Le droit de réponse, d’abord publié de manière incomplète, l’a ensuite été hors délais légaux et dans un emplacement inapproprié.
Le tribunal a reconnu la société Tourmag.com et ses co-gérants responsables pénalement du manquement à l’obligation de publication de mentions légales, et l’un des co-gérants responsable pour manquement aux règles régissant la publication du droit de réponse. La société Tourmag.com, éditrice du site et ses co-gérants ont été condamnés pour un montant total de 17.000€, dont 7.000€ pour non respect de l’obligation de publication de mentions légales. (7)
3. Que faire en cas d’absence de mentions légales sur un site web ?
Les personnes concernées par la violation de leurs droits suite à une publication en ligne doivent avoir la possibilité de contacter l’éditeur du site pour faire valoir leurs droits.
En l’absence de mentions légales, plusieurs moyens peuvent être envisagés pour tenter d’identifier le directeur de la publication du site.
3.1 Recherche via les canaux visibles du site
Si le site dispose d’un formulaire de contact ou d’une adresse email de contact, il est alors possible de demander les coordonnées de l’éditeur directement au site, pour autant que ce formulaire ou adresse existe et que le contact s’exécute spontanément.
Si le nom du site web correspond à la dénomination de la société qui l’édite, il est alors possible d’obtenir ses données et celles de son (ses) dirigeant(s) sur un site annuaire de sociétés, tel qu’info-greffe ou société.com par exemple.
Les données du dirigeant peuvent cependant être masquées, par souci de confidentialité de la part de celui-ci ou afin de respecter la protection de ses données personnelles. On pourra alors commander un extrait Kbis de la société. Pour les sociétés situées à l’étranger, des annuaires en ligne similaires à info-greffe existent dans un grand nombre de pays.
3.2 Interrogation du Whois / RDAP
Il est possible d’interroger les données d’enregistrement du nom de domaine via un service Whois. (8) Les données du titulaire du nom de domaine ne sont cependant pas toujours visibles, par souci de confidentialité de la part du titulaire ou afin de respecter la protection de ses données personnelles.
3.3 Interrogation de l’hébergeur
Certains hébergeurs peuvent communiquer les informations d’identification de l’éditeur du site sur demande justifiée. Concernant les noms de domaine en .fr, l’Afnic peut également communiquer les données d’enregistrement sur demande justifiée. L’hébergeur ou l’Afnic communiquera les données d’enregistrement en sa possession. Malheureusement, les données renseignées ne sont pas toujours correctes…
3.4 Dépôt de plainte
Si l’identification amiable échoue, il est possible de déposer une plainte auprès du procureur de la République pour site non conforme et défaut de mentions légales. Ceci permettra de diligenter une enquête afin d’identifier l’éditeur du site avant d’entreprendre une action judiciaire.
Il est fortement recommandé de faire établir un constat de commissaire de justice (constat d’huissier) préalablement au dépôt de plainte, requête ou procédure judiciaire pour établir la preuve du défaut de mentions légales sur le site litigieux.
En tout état de cause, à défaut de mentions légales, ou en cas de mentions légales inexactes, le dirigeant de la société est de fait, considéré comme directeur de la publication. (9)
De nombreux sites web français et européens restent non-conformes à la réglementation applicable : défaut de mentions légales, mais aussi CGU ou CGV absentes, succinctes ou abusives, non-respect de la réglementation sur la protection des données personnelles (RGPD) ou sur les cookies par exemple. Néanmoins, il existe plusieurs manières d’obtenir les coordonnées des éditeurs des sites concernés. En cas de poursuites judiciaires, la non-conformité du site web sera un éléments aggravant qui pourra être retenu à l’encontre de l’exploitant du site.
Quant aux sites non-européens, l’obtention des données relatives à l’éditeur dépendra des informations accessibles en ligne, et de la volonté de coopération des autorités compétentes.
Vous éditez un site web : le Cabinet se tient à votre disposition pour vous accompagner dans la mise en conformité juridique de votre site, notamment en matière de mentions légales, CGU/CGV, RGPD ou cookies.
(1) Nous n’abordons pas ici la problématique de l’e-réputation et de l’identification des internautes ayant posté des contenus (textes, photos, vidéos) anonymes.
(2) Article 93-2 de la loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et article 1-1 I et II de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, modifiée - LCEN (ex-article 6-III)
(3) Article 1-2 de la LCEN (ex-article 6-VI 2)
(4) TGI Paris, 17é ch. corr., 11 juil. 2014, STEF c. Olivier et Jean-Claude G.
(5) TGI Paris, 17é ch. corr., 14 mars 2017, LICRA, UEJF et autres c. M. X. Jugement confirmé par la cour d’appel de Paris le 18 janvier 2018. Le pourvoi en cassation du défendeur a été rejeté le 22 janvier 2019
(6) TGI Paris, 17é ch., 10 juil. 2019, M. X. c. M. Y.
(7) TJ Marseille, corr., 29 nov. 2024, MWR Life LLC c. Mssrs X. et Y. & Tourmag.com
(8) Le protocole Whois a été remplacé par le protocole RDAP (Registration Data Access Protocol) début 2025. Les données Whois sont toujours accessibles mais ce protocole sera progressivement amené à disparaître au profit du RDAP.
(9) Cass. crim., 22 jan. 2019, pourvoi n°18-81.779
Bénédicte DELEPORTE
Avocat
Deleporte Wentz Avocat
www.dwavocat.com
octobre 2025